UNE MAIN DE FER DANS UN GANT DE VELOURS ¿ tu sais ce que tu vaux et ce que tu veux. la marionnettiste, le baron, la bluffeuse, le joker, l'anguille, le lion. tous les rôles de l'échiquier en un pion. déesse de la discorde, des enfers, de la rue. celle qui obtient toujours ce qui lui est dû. femme d'affaires du côté des corrompus. celle qui connaît la loi sur le bout des doigts pour mieux lui désobéir. une martyre qui depuis se fait plaisir. celle qui plaisante, patiente, s'absente, pour mieux frapper, mieux blesser. peut-être sans scrupules, mais pas sans cœur. tes hommes, ta famille. vous êtes tous venus d'un seul et même trou, le désespoir qui accompagne la douleur. et ensemble, d'une façon assez atypique pour ne pas dire interdite, vous vous êtes reconstruits sans vous décevoir. frères d'armes, sœurs d'armes, les membres d'un seul et même corps. quand on y rentre, on en sort pas, on en sort jamais, on veut pas. et si le crime est un jeu vicieux, tu serais prête à mourir pour eux, et eux pour toi; le plus tard possible il en va d'soi, parce que la mort c'est juste qu'un mot qu'on s'tatoue sur le bras.

LA GENÈSE ¿ la famille parfaite que les autres gosses avaient l'habitude de décrire était tout sauf envisageable dans ton cas; trop hors d'atteinte, trop loin. les visages tristes concernant la mort de maman se sont peu à peu estompés pour des sourires carnassiers, surtout sur la gueule ronde des plus jeunes. t'as pas de papa. t'as plus personne. peut-être parce que personne t'aime. c'pour ça que tout le monde t’abandonne. et toi, à peine la dizaine, tu te raccroches tant bien que mal à cette petite vie infernale avec la prunelle de tes yeux. mami qu'elle s'appelait. t'étais à la fois sa mère, son père, sa soeur, son amie; son premier crush peut-être aussi. tu voulais la garder loin de ce que toi tu avais à vivre: la misère, la misère, les engueulades avec ta tante, les rapports de force, la misère. mami c'était un peu le petit rayon de soleil de ta vie, entre les études foireuses, l'enterrement de votre dernier parent et les quatre murs sordides de l'orphelinat. un vieil endroit. d'autres mômes comme vous, plus ou moins courtois. les étés trop chauds et les hivers trop froids. mais tu t'en foutais un peu. tu jouais les caïds pour elle. tu t'prenais des tâches en plus à faire pour elle. tu aurais décroché pluton pour elle. mami. puis un jour, dix-sept ans et l'opportunité d'avoir enfin une maison. les okada avaient besoin d'une grande soeur pour leur enfant, et comme il était plutôt rare d'être choisie à un âge pareil, t'as pas hésité. dans la foulée, t'avais oublié. complètement zappé qu'ils voulaient qu'une kuramochi, et pas d'une deuxième toi. trop tard pourtant, tout avait été signé. puis ce choix, tu l'as réellement regretté quand tu t'es rendue compte que ton existence s'était seulement contentée des apparences. au fil des jours, des semaines, des mois, les apparences ont changé. comme les caractères, les mauvais, bien ancrés, bien planqués. s'adresser à megumi, c'était pour se vider la tête, se défouler. au début, tu relativisais. ouais, c'est pas leur faute. ils se maîtrisaient pas. y'a eu des excuses, fin de l'histoire. au fil du temps, t'as commencé à vouloir rendre les coups de couteau verbaux. renvoyer les attaques physiques, les abus de violence. et tes pétages de câbles se faisaient ensuite sévèrement punir. un cercle vicieux. une satanée spirale.

CERBERUS ¿ toi qui te perds, toi qui pars en vrille, toi qui te dégrades et t'éteins pour mieux t'enflammer, tu commences alors tout rejeter. tu te refermes sur toi-même, te fermes aux autres, t'enfermes. t'apprends à ne plus rien laisser transparaître. ni l'anxiété, ni la frustration, ni la colère. tu te tiens telle une statue de marbre au milieu d'une scène apocalyptique. à moins que tu ne laisses volontairement transparaître ce que tu éprouves ou dises ce que tu penses, impossible de te sonder, de savoir ce qui peut bien se tramer dans ton cerveau d'allumée. ce masque, tu le dois à ces nanas qui t'ont trouvée un soir alors que t'étais aux portes du désespoir. t'avais quoi, dix-neuf ans? le meilleur moment pour tout laisser, tout flamber, et renaître, c'est ce qu'elles disaient. bien qu'elles soient plus âgées et d'ailleurs, vous êtes devenus un trio soudé. femmes fatales. complémentaires. chacune son secteur. dévastatrices. nombreux sont ceux qui de cerbère ont peur.

MONEY POWER GLORY ¿ la corruption, seul refuge possible. seule solution trouvée. tes tentatives pour revoir ta soeur qui échouent lamentablement les unes après les autres. les ruelles de tokyo que tu préfères aux couloirs de ton bahut. tes pulsions que tu gères à peine et que d'autres exploitent. megumi qui se rebelle et se révolte pour des causes qu'elle ne saisit pas entièrement. megumi, petit démon aux courbes de femme qui se déchaîne. sur des caisses, des baraques, des immeubles. sur la première pouf qui l'insupporte sur le trottoir d'en face, sur le premier con qui cherche à s'incruster dans le carré vip, sur la première friquée qui perd de vue son sac à ¥400,000, sur le premier crétin qui s'croit à la tête d'un trafic. megumi qui petit à petit, à coup de poing, de bombe, de batte, finit par avoir des gens sous son commandement. megumi qui gagne plus de pognon qu’excepté, qui fait des jaloux et qui les fait enterrer plus bas que terre. pourtant tu ne restes que le cavalier d'un roi, qui a tout moment risque de se faire renverser par un plus intelligent. toi peut-être? toi sûrement. échec et mat.

DÉLIRES DE VOYOUS ¿ bien que tu sois une haut-gradée dans le narcotrafic local, il t'arrive de jouer les gardes du corps pour tes supérieurs, les recruteurs pour les sous-fifres ou encore l'huissier qui vient menacer les condamnés. ton boulot, tu l'exécutes avec un plaisir particulier. pas seulement parce que tu as su te reconstruire avec des gens que tu considères comme tiens, mais surtout parce que tu as accès à un tout autre monde. un beau royaume avec lumières tamisées, de l'or en billets et des contacts influents influencés. tu as su te glisser parmi la haute, te faire des amis, te faire des accros, te faire des acomptes. surtout chez les mal aimés, les pourris, les curieux, les insouciants, les artistes. tu n'es jamais loin des ateliers, des clubs, des studios; tu composes même pour certains gens que tu portes dans ton estime, parce que le rap ça a toujours été un réel kiff, en plus des battles de danse, des courses de voitures, des nuits arrosées au strip-club et des combats illégaux. on t'invite aussi aux soirées privées, aux dîners et galas de charité. tu es la meilleure amie de la jeunesse décadente et de la vieillesse nostalgique, le +1 des galeux, la bestie des pestiférés. vendeuse de rêves, marchande de sable. tu prends sérieusement ton pied à les voir se détruire à chaque piqûre, ligne, cachet; parce qu'ils ont tout ces camés. tellement que ça te donne envie de gerber.