deux,, mise au monde dans la douleur, désirée dans le malheur, donnée à contre-cœur, emportée avec ferveur; et pourtant tu en ignores tout. le fils mort en tentant de vivre que tu as remplacé. la mère qui te considère comme son propre bébé. la raison pour laquelle un homme en tant que père s'est désisté. les parents qui t'ont conçue et sûrement oubliée. le reflet qui quelques minutes avant toi s'était mis à pleurer. les petits secrets qui se sont accumulés au fil du temps, s'entassant, s’agglutinant, pour ne former au final qu'un gros tas méconnaissable et repoussant. mori bien dans ses pompes, issue d'un couple américano-nippon, reine de son monde, qui se dissimule face aux impostures furibondes.

❀ pure child,, ou la signification de ton prénom. allégorie d'une innocence décalée, mystérieuse. parfois considérée comme une enfant stupide, retardée, simple d'esprit. sûrement trop dans la lune pour t'occuper de ce qui se chuchote, certainement trop naïve pour considérer leurs propos comme sérieux, réfléchis. dix-neuf ans déjà et toujours cette même vision perchée de la réalité dans laquelle tu te crois vivre. l'éternelle incompréhension lorsque l'on te répond en te riant au nez, comme si tes pensées toutes hautes étaient à ce point déplacées. constamment jugée, par moment insultée - pour tes conneries, tes étourderies, tes démonstrations trop affectives, tes commentaires à la con, tes goûts incompris, tes changements de comportements, ta condition socialement parlant - et pourtant si paisible, si confiante, si distante. bien loin d'être éteinte; juste déconnectée, heureuse ailleurs.

❀ étrangère,, à peine un an et c'est déjà le bordel à la maison depuis un moment. parait qu'il ne te veut pas, que c'est trop dur, qu'il regrette, que ça le torture. mais maman ne s'est pas découragée, ne t'a pas cédée, si bien qu'elle les signa ses foutus papiers. ainsi mère célibataire, elle est retournée au pays, ta tête contre son cœur, sans amertume, sans rancœur. parce qu'elle était déterminée à le vivre son bonheur, qu'importe les affaires ou les sacrifices à faire. petite fleur de cerisier apeurée par les buildings de san francisco, tu t'épanouis sans te soucier jusqu'à ce qu'au milieu du primaire maman t'annonce des vacances un peu improvisées chez l'homme qui t'avait autrefois rejetée. la vérité, c'est que tu tenais plus en place. tu le disais aux grand-parents, aux copains, aux voisins. et une fois au japon, le choc, l'illumination. c'était si beau, si calme, si différent. quand à papa, ou monsieur mori, avec son costume trois pièces, un tout autre parent. à première vue pas très cool raoul. à force de vous voir, à force de passer du temps ensemble, à force de faire des efforts, tu as grandi aux côtés d'un homme secrètement débordant d'amour, un peu encombrant, hyperactif certainement. et c'est la raison pour laquelle tu as fini par rester, quand bien même tu continues d'aller en californie si ce n'est pas maman qui ramène son fraisier.

❀ esthète,,  parce que la beauté est tout à fait subjective, peu de personnes arrivent à saisir sur quel genre de critères ta vision du beau peu bien reposer. et lorsque l'on te demande le pourquoi du comment tu aimes un poème, une toile, une vue. toi-même tu l'ignores, par moment. juste que ça te fait ressentir quelque chose. que ce quelque chose s'est éperdument cassé la gueule et a réussi à créer un certain tumulte ici et là en toi. la réflexion. la remise en question. l'émoi. et souvent, quand tu le peux, ce quelque chose, que tu le trouves chez une personne, une action, un paysage, tu cherches à l'immortaliser. le dessiner, le peindre, le photographier. pour le traduire en souvenir et le faire durer encore un peu. parce que la plupart du temps, tu le vis le moment présent et t'en saisis tout le sens, toutes les sensations.

❀ sirène des temps modernes ,, depuis que t'es gamine, les pieds tu les as toujours eu dans l'eau. si tu devais choisir entre des jambes ou des nageoires, le choix pour toi était loin d'être difficile. depuis que tu es scolarisée, tu n'as jamais raté une occasion pour te baigner: requin blanc des bassins, à toujours intriguer les autres gamins. et même si tu en as connu des concours, t'as jamais été du genre à collectionner les médailles pour (te) prouver tes capacités. battre la concurrence ne t'intéressait franchement pas: ton motto à toi, c'était t'éclater. et c'est ce qui te hissait parmi le top 3 la plupart du temps. du coup, l'entraînement te suivait partout où tu le pouvais, voire jusque dans ta salle de bain: il n'était pas rare de te retrouver en maillot dans ta baignoire, presque inerte, à force de bosser sur ton apnée. oui, nager ça te permet de penser.

❀ internet girl,, t'es de ceux qui médiatisent pas mal leur vie. déjà qu'il est difficile de te séparer d'une quelconque caméra, tumblr, instagram (sans omettre snapchat) n'ont finalement fait que t'encourager à tout conserver. et il t'arrive de te faire interpeller dans la rue par des followers décontenancés, curieux et discuter avec eux. si seulement t'étais payée pour ça.

❀ cœur-puzzle,, véritable cœur d’artichaut qui en pince facilement pour tout le monde, au point qu'aimer n'a plus vraiment de sens à un stade pareil. pourtant tu t'en branles complètement, tellement que ça ne te fait rien d'être prise pour une fille excessivement facile, fleur bleue, tarée ou nympho. au final ça peut blesser certains, certaines, voire beaucoup de gens: gêner, frustrer, rendre jaloux, énerver, décevoir. parce que tu n'y vas jamais à moitié, que ton comportement fait facilement croire à l'autre que tu es sien, que tu ne vois que lui, que tu n'aimes que lui, que tu ne fais l'amour qu'avec lui. non - pour toi l'amour c'est trop fort pour s'arrêter là, à ça, à une seule personne. tu en as tellement à revendre de l'amour. qualité, défaut, tu n'as jamais vraiment cherché. pas même de remise en question sur ta façon de faire lorsqu'on te balance que ça ne peut plus durer. est-ce donc si mal de partager les bonnes choses avec le monde? surtout si elles sont rares et éphémères?