Le liquide me brûle la gorge. Quelle fantastique idée, brillante oui, j’ai eu de descendre. J’aurais du rester enfermé dans ma chambre, mais être confronté à la solitude m’angoissait de plus en plus. J’avais l’impression d’étouffer, à chaque fois que je me retrouvais entre quatre murs, quand le silence venait bourdonner à mon oreille, quand le froid s'immisçait dans chacun de mes membres. Le paradoxe ultime de l’homme qui n’est pas sociable mais qui ne supporte pas d’être seul. A croire que mon cerveau cherche tous les moyens possibles pour me rendre la vie dure. Mais je ne lui en veux pas. Si j’étais à la place, j’aurais besoin de m’occuper, aussi, un peu. Pour rompre la monotonie de ce quotidien banal. Enfin. Banal. Je ne suis pas dans un endroit banal, et malheureusement, ce n’était pas du tout ma décision. Comment lui dire non, de toute façon, après tout ce qu’il s’est passé. Je n’ai pas envie de faire mon difficile, et elle a raison, c’est sûrement une bonne idée que de changer d’air. C’est toujours mieux que de déprimer à l’appart”. Je me demande si Ryosuke l’aura fait brûler en mon absence, sans faire exprès. Je sens la présence autour de moi. Rassurant et à la fois délicieusement effrayant, chacun des sons venant agresser mes oreilles comme autant de petites aiguilles. Certains jeunes femmes me regardent, et je sens leur hésitation. Mon physique attire. Et elles croisent mon regard, la froideur qu’elles y lisent devant arrêter net. Je les remercie à moitié de ne pas venir me voir, me parler. D’un autre, je les maudis, de me laisser, pathétique et seul au bar. Seul le barman semble mon ami et même lui ne m’adresse pas la parole, il a mieux à faire. Comme mater le décolleté de la demoiselle non loin de moi. ça me dégoûte. Je pourrais appeler Rio, ou lui envoyer un message. Après tout c’est avec elle que je suis venue. Mais un rictus de dégoût vient froncer mon visage à chaque fois que je m’imagine, pauvre chiot apeuré, l’appelant pour venir jouer à la baballe et rompre mon ennui ou ma tristesse. Elle n’est pas là pour ça, et je ne veux pas lui donner ce rôle. Mon ami, ce soir, c’est ce liquide affreusement désagréable, celui qui apporte un peu de chaleur à mes membres et leurs extrémités. Je sens mes muscles se dénouer petit à petit, mieux qu’une séance de méditation. Peut-être que ça se voit. On me parle. Je réponds. Rien de très important, pas de si important que je pourrais le relater. Ce ne sont que des nuages de fumée, vite arrivés, vite partis. Des visages dont je ne me souviendrais pas et des mots sans sens : tout ce que je hais. Finalement je me lève, et tire sur le col de ma chemise, l’impression d’étouffer revient m’assaillir. Mes pas me mènent vers la sortie la plus proche. Le froid vient mordre ma peau mais c’est étrangement agréable, un grand contraste avec le feu brûlant dans mes veines. Je ferme les paupières et m’adosse au mur, il y a un chauffage de terrasse non loin, pour éviter que je ne meure tout de même totalement gelé. Est-ce qu’elle peut venir ? Sans que je lui demande. Sans que je ne m’en veuille.
ichirio under the snow aesthetic | J’ai trop but. Ouaip. L’ivresse est un sentiment délicieusement agréable. Ce n’était pas dans mes plans de me saouler autant. Je voulais juste profiter du bar. De l’ambiance de l’hôtel. Avec les fêtes de fin d’année tout le monde semble plus guilleret. J’aime ça. Etre entourée, rencontrer de nouvelles personnes. Et puis la neige. Je suis comme les enfants lorsqu’il neige. J’adore ça. Et il faut dire que la montagne enneigée ça a tout de suite plus de gueule que mon île. Et puis je n’ai jamais eu l’occasion d’aller dans ce genre de station. Par manque de moyens… Alors j’en profite le plus possible. C’est dans cette optique là que je suis descendue au bar de l’hôtel après avoir pris une bonne douche. J’ai longuement hésité à proposer à Ichiro de m’accompagner. Mais j’ai peur qu’il pense que je le colle trop. Les choses ont beaux avoir pris une meilleures tournure entre nous, je ressens toujours un pincement au cœur quand je pense à lui. C’est à cause de ça que j’ai trop but. Au départ c’était juste un verre. Et pas seulement parce que l’alcool coute un peu cher. On peut aussi rejeter la faute sur l’un des barmans. Il refusait de me servir et demandait où étaient mes parents. Il a fallu que j’agite carte d’identité et permis sous son nez pour enfin avoir mon Gin Tonic. Et ça m’a fait déprimer. Parce que et si. Et si Ichiro me voyait comme une enfant lui aussi ? Avec mon visage de poupon et ma petite taille, je ressemble à une enfant. Alors que lui c’est un homme un vrai. Je suis sûre qu’Anko était une femme elle. Pas comme moi. Je me suis mise à regretter ma salopette et mon pull rose pale. J’ai même hésité à aller me changer mais au lieu de cela j’ai repris un verre puis un autre. Et moi qui voulait parler aux autres clients je me retrouve à me morfondre dans un coin de la salle. Toute seule. Résultat des courses je n’ai plus d’argent et j’ai envie d’encore plus d’alcool. Je me lève un peu chancelante. Je n’ai plus aucune raison de rester ici. Les mains dans les poches je marche vers la sortie et c’est dans le hall que j’ai l’idée de sortir. Sans manteau ni rien. J’ai un peu chaud et très envie de profiter du paysage nocturne. Et une terrible flemme de retourner dans ma chambre chercher de quoi me couvrir. Je frissonne à peine ai-je mis le nez dehors. Mais je continue de marcher. Le froid me brûle les joues. Les passants chuchotent sur mon passage. Que fais cette adolescente en salopette par ce temps ? Je leur jette un regard noir. Comme une enfant. J’enfonce un peu plus mes mains dans mes poches. J’hésite à faire demi-tour. Finalement je vais rester. Je reste quelques secondes hébétée à fixer Ichiro. Un sourire immense ne tarde pas à étirer mes lèvres. La chaleur de mes sentiments –et l’alcool, repousse un peu le froid. « Ichiro~ » Je dis sur un ton chanteur. Le hasard fait bien les choses. Je vais jusqu’à lui d’un pas léger. « Toi aussi tu es sorti prendre l’air ? » J’ai déjà oublié mes inquiétudes. Je suis tellement heureuse de le voir.
ichirio under the snow aesthetic | Je ne la remarque pas. Ou alors, mes yeux savent qu’il ne faut pas me faire croire à un mirage, ils préfèrent être sûrs que ce n’est pas une invention de mon cerveau. Et alors que je regarde droit devant moi, ce n’est que quand sa voix vient jusqu’à mes oreilles que je m’autorise à tourner le visage. Son sourire vient m’agresser, qu’il est grand, qu’il est.. teinté. Je le sens avant qu’elle ne soit près de moi et que je puisse inspirer les effluves, elle a bu. Après tout, je ne peux la blâmer, j’ai bu aussi. Je ne suis pas très capable de définir si j’ai trop bu ou pas assez, et si ça a un quelconque effet sur mon organisme. Je me sens léger, c’est sûr. Mais au contraire de certaines personnes qui sont joyeuses lorsqu’elles boivent, ou désinhibées, j’ai tendance à avoir l’alcool triste et mélancolique. Je ne peux pas être parfait.
J’aime la façon dont mon prénom roule contre sa langue, c’est étrange comme pensée, mais je n’y prête même pas attention, alors qu’elle s’approche de moi. Ce petit bout de femme, elle est adorable, j’ai presque honte parfois à la voir comme autre chose qu’une créature mignonne et innocente. Une créature que je ne pourrais regarder avec envie. Pourtant je me surprends, de plus à plus, à l’observer comme on n’observe pas une petite soeur. Tant pis. Même si c’était conscient, je ne me l’avouerais jamais. C’est déjà assez compliqué comme ça.
“Oui. Je commençais à avoir.. chaud… à l’intérieur” Je ne veux pas m’épancher plus que ça, lui raconter que ce n’est pas tant les radiateurs de l’hôtel que les gens et l’angoisse qui ont fait bouillir mon sang, ainsi qu’une intense frustration. Car elle est là, devant moi, je l’ai souhaité sans le dire et elle est apparue, comme par magie. Ses joues sont rouges, à cause du froid et de l’alcool, et je ne peux m’empêcher de répondre à son sourire, à peine. Je ne souris jamais à grandes dents, je ne ris jamais à grands éclats, tout est dans la retenue chez moi, tant qu’on me pense sans coeur. Mais je suis comme ça. ça m’attriste autant que les autres. “Tu ne devrais pas sortir dans cette tenue… On est pas à Tokyo.” dis-je en m’approchant d’elle, posant mes mains sur ses épaules. J’ai peur qu’elle prenne froid.
J’enlève rapidement mon manteau et le pose sur son corps frêle. “Il ne manque plus que tu meures congelée. Je n’en prendrai la responsabilité.” J’écarte une mèche de cheveux de son visage et soupire. “Tu es tellement…” Belle “mignonne. ça te jouera des tours avec les garçons.” dis-je avant de m’écarter finalement, comme si cette proximité venait juste de devenir inconfortable. Peut-être que l’alcool me monte vraiment au cerveau. Je ne parle jamais autant, et je ne m’autorise jamais de tels gestes. Finalement, je m'assois sur le banc non loin, en essayant d’oublier le froid qui vient attaquer mon corps en l’absence de mon manteau. J’ai toujours des manches longues, mais je suis humain.
ichirio under the snow aesthetic | Je souris bêtement. De toute évidence l’alcool joue un rôle non négligeable là-dessus. Mais ce n’est pas grave et c’est tout juste si je m’en rends compte. Après tout j’étais comme ça avant. Je souriais tout le temps. Avec Ichiro, avec les autres. Depuis ce malheureux « incident » entre nous je souris un peu moins. Ou un peu moins bien. Toujours ce même problème d’égoïsme qui me prend à la gorge. Il sourit. Un tout petit sourire. Mais je le sais sincère. Parce que Ichiro ne sourit pas comme moi. Pas autant que moi. Et chacun de ses sourires sont comme une victoire pour moi. Alors mon cœur se gonfle d’orgueil et de chaleur. Tous les tracas de Tokyo me paraissent bien loin. Mes problèmes d’argent. Mon travail instable. Ren qui ne va jamais très bien. Ichiro qui en aime une autre. L’alcool est une boisson merveilleuse. Je chasse en un clin d’œil les pensées sombres qui tentent de m’assaillir. Je ne veux penser qu’à Ichiro qui sourit. Pour moi.
Malgré mes 20 ans mon cœur est toujours celui d’une adolescente. D’une lycéenne dans la fleur de l’âge. Celui d’une mauvaise héroïne de shojo manga. Parce que dans ma tête et dans ma poitrine c’est un vrai feu d’artifice. Pour un manteau posé sur mes épaules. Un doigt qui frôle mon front. Mais par-dessus tout. Tu es tellement mignonne. Je ne me dis pas que ce sont mes airs d’enfant qui lui font dire ça. Je laisse ces tristes pensées pour demain. Quand je me remémorerais cette soirée et que je ne pourrais m’empêcher de penser que l’alcool embellit tout. Non, ce soir je m’en moque. Je préfère être aveugle et idiote.
« Dis le garçon qui joues des tours aux jolies filles. » Ce n’est pas vraiment ce que je veux dire. Ce sont d’autres mots que mon cœur hurle. Je voudrais lui dire de me jouer des tours. Que ce n’est pas grave si c’est lui. Parce qu’il n’est pas les autres garçons. Qu’il n’est pas n’importe quel garçon. Mais merci mon dieu mon cerveau a toujours le contrôle et m’empêche de trop parler. L’alcool délit des langues je dois me méfier. Je viens m’assoir à côté de lui en prenant garde à ne pas trop marcher dans la neige. Je n’aurais pas dû mettre de chaussures en toile. Pendant quelques secondes je reste assise. Bien droite. Les mains posées sur les genoux. Comme une enfant sage. J’ai chaud. Je me sens bien. D’un coup d’œil je vois ses mains bleuirent à cause du froid. Il doit être mort de froid. Consciencieusement j’enlève le manteau et l’étale sur nos genoux. Je glisse sur le banc jusqu’à ce que nos corps se touchent. Cette fois je n’ai pas honte. « Il n’est pas question que je sois la seule au chaud. » Je dis sur un ton un brin autoritaire avant qu’il ait le temps de protester.
ichirio under the snow aesthetic | Jouer des tours aux filles ? Je ne l’ai fait que quelques mois. Entre l’absence d’Anko et sa perte. Des contacts insignifiants, une présence charnelle et une éternelle quête de chaleur, qui ne m’ont laissé que plus creux à chaque fois. Me voit-elle comme ça ? Après tout, Rio en a sûrement vu, des femmes entrer dans l’appartement. N’a-t-elle pas remarqué que plus personne ne vient à l’intérieur, à part elle ? Quel honneur, d’ailleurs. Peut-être que c’est justement parce que mon cerveau est si fixé sur cette idée, que mon affection pour elle n’est que platonique, que cela n’a jamais posé de problèmes. Peut-être que j’ai peur de m’écarter de cette simple notion, par peur de la rejeter comme le reste de la gente féminine. Je ne fais aucun commentaire, et elle ne semble pas continuer sur le sujet. Je ressens une petite tension dans l’estomac à la voir comme ça : j’ai peur qu’elle dise des choses qu’il ne faudrait pas, ou qu’elle me regarde d’une façon interdite. Ces idées sont sans fondement et puis, je ne sais pas d’où elles sortent pour ainsi dire, elle me regarde toujours de la même façon, elle me parle toujours de la même façon. Je me crée des problèmes là où il n’y en a pas.
Et puis elle s’approche. Elle est à côté de moi. Elle est contre moi. Je sens des frissons remonter le long de mon échine, je me dis que c’est le froid.. Uniquement le froid. Je sens mon épaule contre la sienne, même si elle la dépasse un peu, et j’ai envie de sourire. C’est bête. J’ai véritablement envie de sourire, les commissures de mes lèvres ne bougent pas, merci dieu. Je n’aime pas cette sensation. Cette sensation que je n’avais qu’avec elle, que je n’ai eu qu’avec elle, et que je ne veux pas retrouver à nouveau. Je ne veux pas souffrir à nouveau. Et surtout pas lui faire du mal, à elle, Rio, qui est presque en sucre pour moi.
Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi faire. Je sens tous mes muscles tendus, et je me rends compte que je retiens ma respiration. Je laisse l’air s’échapper enfin de ma bouche, formant une buée devant moi. Je n’ose même pas tourner le regard vers elle. Je ne sais pas ce qui m’arrive. “Tu as bu.. toute seule ?” les mots sortent finalement de sa bouche. Je voulais demander si elle avait bu, mais était-ce ça que je voulais savoir ? Après tout, je le sais, je le sens. Mais une petite bête veut savoir si elle était avec quelqu’un. Si après m’avoir traîné jusqu’ici, elle préfère être avec quelqu’un d’autre pour s'enivrer. Je ne sais pourquoi l’idée que ce soit avec un garçon me donne mal au ventre. Après tout, elle doit bien en avoir des garçons. Une ribambelle. Même si elle ne m’en parle pas. Jamais. “Tu aurais pu m’inviter. Je suis profondément vexé. On a bu chacun dans notre coin mais on se retrouve ici, dans le froid, comme des idiots. Autant se rejoindre dès le début, ne crois-tu pas.” Je parle pour rien dire, parle, parle, parle, meubler. Rien n’est naturel. Parce que sa présence réveille quelque chose en moi que je ne sais pas identifier. “Tu n’avais personne d’autre à inviter, pour venir ici ? Enfin.. Je veux dire…” Je passe une main dans mes cheveux et ris légèrement “Une station de ski reculée, le froid, l’alcool, les fêtes.. Tu aurais pu te dégoter un amoureux avec toutes ces circonstances”
ichirio under the snow aesthetic | Je lutte contre l’envie de me lover contre lui. J’ai envie de passer mon bras autour du sien. De mêler mes doigts aux siens. De reposer ma tête contre son bras. Je me demande si de loin nous ressemblons à un couple. Assis sur un banc. Sous la neige. A partager un manteau. Dans mon imagination cette vision est fabuleusement romantique. Délicieusement clichée aussi. Mais j’aime ça. Une entité niaise a pris possession de mon corps et de mon esprit. Me faisant voir le monde d’un rose pareil à celui de mon pull. J’ai presque honte de moi à cet instant. Je retiens un gloussement ridicule. Par contre je ne peux rien faire contre mon sourire béat. Heureusement qu’Ichiro ne peut pas voir.
« Je n’ai pas osé. » J’avoue comme une enfant qui aurait fait une bêtise. Comment lui dire que j’avais peur d’être une nuisance ? Je racle la neige du bout de ma chaussure. Les mains glissées entre mes cuisses pour avoir plus chaud je n’ose pas faire d’autres mouvements. « Et puis j’avais prévu de ne boire qu’un seul verre mais je barman m’a vexée alors… » Je m’arrête sur ma lancée. Je me suis un peu emportée en me rappelant cet épisode. Je n’ai pas très envie qu’il se dise que j’ai bu toute seule parce que quelqu’un m’a énervée. Et puis l’image d’une femme qui boit toute seule fait un peu désespérée. Et sans oublier que je me suis saoulée en pensant à lui, c’est encore plus gênant. Je dois encore plus me taire.
Je me sens rougir quand il évoque cette histoire d’amoureux. Comment te dire que c’est la raison même qui m’a poussée à t’inviter… Non ça ce n’est définitivement pas la bonne réponse. Je ne peux pas non plus lui dire que c’est pour ne pas qu’il reste tout seul. Je ne veux pas qu’il s’imagine une fois de plus que je fais une œuvre de charité. « J’avais envie d’y aller avec toi. » Je réponds en toute honnêteté. Je ne peux pas m’empêcher de rire en repensant à ce mot. Amoureux. Me remémorant, que je le veuille ou non, mon ancien petit ami. « Je ne suis vraiment pas douée avec les hommes. Je me comporte toujours comme une enfant. » Et je repense à cette fois où j’avais littéralement fuit en courant quand il m’avait emmenée dans sa chambre. J’ai encore honte de moi. Je me demande si Ichiro me prendrait pour une enfant un peu trop innocente. Je tente un coup d’œil vers ses genoux et ses mains. Ne me sentant pas le courage d’en voir plus. Et la peur de me liquéfier de honte.
ichirio under the snow aesthetic | Alors elle y a pensé. Elle a pensé à moi, c’est cette phrase qui se répète dans mon esprit, et je ressens à nouveau cette chaleur si agréable, et cette envie de sourire. Je sais qu’elle ne ment pas. Elle a l’air coupable en le disant, comme si elle avait honte, je la trouve adorable. On dirait une enfant, parfois, chose que je n’ai pas envie de penser. ça me tord l’estomac, mais c’est toujours plus simple à gérer que de se dire qu’elle est une femme, et que je pourrais la voir comme telle. Je soupire à la mention du barman, j’essaie d’imaginer ce qu’il a pu lui dire, sûrement a-t-il dû lui refuser un verre. Rio, ce n’est même pas qu’elle n’a pas l’air majeure, parfois on se demande même si elle est au lycée. Pas besoin d’être un génie pour faire cette déduction là, même si je ne suis pas sûr à 100% que ce soit la raison de la petite altercation. Rio vexée. J’imagine ses joues gonflées, et son air boudeur, après tout je l’ai déjà vu, et je me demande comment quiconque peut y résister et continuer à l’embêter sérieusement.
La chaleur revient. J’aime la liaison de ces deux mots, celui de “envie” avec le “toi”, lorsque le toi qu’elle énonce se réfère à moi. Ce n’est pas de la chaleur mais des frissons que je ressens, non pas le long de ma colonne vertébrale, mais au creux de mon ventre. Elle continue à discuter, je me dis que c’est agréable, cette tension qui s’est évanouie. Le fait que les mots puissent sortir de nos bouches sans que tout soit compliqué, qu’on risque les pleurs de l’une ou l’énervement de l’autre. Il n’y a pas de tension désagréable, juste cette petite chose dans mon estomac, parfois un peu plus bas dans mon ventre, qui se révèle être fort agréable. Et pourtant ce sujet là, le sujet des amoureux, des hommes, je devrais être aussi détendu, je ne le suis pas. Heureusement que je ne suis pas homme à être particulièrement enjoué de base, je n’ai même pas à me forcer à sourire car personne ne s’attend à ce que je le fasse de toute façon.
“Est-ce que c’est une affaire d’être douée ou non ?” Je demande en pinçant un peu mes lèvres dans une légère moue. C’est dans sa nature de se comporter ainsi, et je ne sais pas si se comporter avec un enfant rime forcément avec immaturité. J’aime l’innocence qui se dégage d’elle, dans une époque où elle est si rare. “Je ne pense pas que tu as besoin d’essayer. Qui ne craquerait pas devant ton sourire.” C’est niais, surtout pour moi, le pire est que je me surprends à ne forcer aucuns mots, car je les pense ainsi. Oui. Je ne peux même pas imaginer comment un garçon peut rester de marbre devant elle, son sourire, ses yeux brillants et ses joues rosées, sa voix douce. Où est la logique alors, qu’en étant conscient d’un tel fait, je me pense parfaitement stoïque devant elle. Comment se mentir plus. “Je pense que c’est quand on essaie trop que cela ne marche pas. Quand on attend. Je pense que ce genre de choses se fait tout… naturellement” Anko vient à mon esprit et mon regard se voile de tristesse. Tout était facile avec elle, tout. Jusqu’à ce que plus rien ne le soit. J’ai envie de lui parler d’Anko. Et à la fois j’ai l’impression que je ne le dois pas. “Tu mérites qu’on prenne soin de toi, qu’on t’aime” Je dis un peu plus bas finalement en baissant le regard vers le sol neigeux. J’ai bêtement envie de prendre sa main sous le manteau. Je ne le ferai pas. Tout comme j’écarte cette pensée qui n’arrive même pas jusqu’à mon conscient J’ai envie de prendre soin de toi, j’ai envie de t’aimer